PROSPECTIVE CITOYENNE à l'initiative de la Coordination Verte et Bleue
Comment sortir la Bretagne du sous-développement environnemental ?
avec
la participation d’un conseiller régional, d’un économiste, d’un syndicaliste
agricole, d’un chercheur, d’un militant écologiste
Marées vertes sur les plages, algues bleues dans les eaux dormantes et les rivières, la Bretagne n'en finit pas de payer le lourd tribut que lui impose un modèle agricole intensif, accroc de mécanique et de chimie, pensé et construit voilà cinquante ans. Les plans de reconquête de la qualité de l'eau se multiplient depuis vingt ans déjà. Rien n'y fait ou si peu : quelques mg/l de nitrates en moins pour plus d'un milliard d'euros payés par la collectivité.
Alors comment s'en sortir ?
Agriculture intensive et élevages hors sols peuvent-ils rimer avec eau pure ?
Ce pari osé est intenable tant les exigences requises sont incompatibles avec les excédents de fertilisants produits.
On plonge le monde agricole dans le désarroi en le soumettant à des injonctions
contradictoires, produire toujours plus d’un côté, dégager moins de nitrates et
de phosphore de l’autre.
Il
faut penser un nouveau modèle économique en Bretagne pour réconcilier
agriculture et environnement. Peut-on faire l’économie d’une baisse du nombre
de têtes animales sur un territoire depuis longtemps saturé : 600 cochons au
km2 en Côtes d’Armor pour 50 en France, soit 8 cochons pour un Breton sans
compter veaux, vaches, poulets ? La
plus-value doit être gagnée sur la qualité plus que sur la quantité. Comment
alors imaginer des solutions qui soient acceptables par l'ensemble de la
société ?
C’est à Trémargat, en Côtes d’Armor, samedi 22 septembre que s’est tenue cette prospective citoyenne. Le choix du lieu ne doit rien au hasard. C’est là, voilà plus de 20 ans, que des pionniers ont inventé de nouvelles pratiques culturales. Grâce à eux, c’est la commune toute entière qui carbure à l’économie verte. Penser une nouvelle forme de développement économique qui ne conduise pas à un sous-développement environnemental passe par l’étape nécessaire de la refondation. Elle exige que soient redistribuées les valeurs, et que celle de l’argent n’écrase pas toutes les autres. ... ...
C’est à Trémargat, en Côtes d’Armor, samedi 22 septembre que s’est tenue cette prospective citoyenne. Le choix du lieu ne doit rien au hasard. C’est là, voilà plus de 20 ans, que des pionniers ont inventé de nouvelles pratiques culturales. Grâce à eux, c’est la commune toute entière qui carbure à l’économie verte. Penser une nouvelle forme de développement économique qui ne conduise pas à un sous-développement environnemental passe par l’étape nécessaire de la refondation. Elle exige que soient redistribuées les valeurs, et que celle de l’argent n’écrase pas toutes les autres. ... ...
Les valeurs éthiques d'abord.
L'agriculture bretonne n' a aucune vocation à nourrir le monde. Donnons à tous
les pays du monde les moyens de se nourrir plutôt que de le gaver de poulets
bas de gamme importés et subventionnés qui ruinent la production locale. Contre
ce productivisme qui n’a comme valeur que l’argent, la société doit penser
qu'il n'est pas de croissance infinie dans un monde fini. Nous ne pouvons donc
pas épuiser nos ressources, couvrir la terre de nos déchets, polluer les eaux
en laissant ce monde dévasté à nos enfants. De surcroît, ce productivisme fabrique
déjà à toutes les échelles de la société des inégalités criantes, dans
lesquelles s'épanouit l'insolence des riches qui est un défi à la démocratie.
Les valeurs civiques ensuite.
La République dit le droit quand les élus établissent des normes d'exploitation,
en conformité aux décisions européennes. La loi s’impose alors à tous, et les
contrevenants doivent être sanctionnés. Or aujourd'hui, comme les jugements des
tribunaux l’ont attesté, ce modèle productiviste prospère aussi sur la fraude
impunie. Les extensions de porcheries ou autres élevages sont régularisées
habituellement par les préfets.
La valeur économique enfin.
Si la science économique s'attache à la vérité des prix, alors il faut veiller
à ne pas établir des biais dans la valeur d'un bien produit, ici un bien
agricole. La collectivité peut accorder des aides, mais conditionnées à des
impératifs environnementaux. En ce sens, les techniques de traitement du lisier
subventionnées ont un double coût pour la collectivité, financier d'abord,
environnemental ensuite. Elles accentuent la perte d'humus sur les terres et
donc leur lessivage. Elles encouragent l'augmentation de la production du
bétail et en conséquence des cultures fourragères polluantes comme le maïs. Il
faut que cessent cette externalisation et cette socialisation des pertes parce
que l’eau des rivières, les arbres, les talus, les landes, les prairies ne
valent rien économiquement. Alors de deux choses l’une. La vérité des prix
passe aussi par l’attribution d’une valeur économique à tous ces biens
collectifs. N’est-ce pas parce que l’eau de source de Plancoët a un coût
qu’elle est protégée de toute pollution ? Ou, plus ambitieux, on les soustrait
à la marchandisation, en les rendant inaliénables. Mais dans ce cas, quelle
protection juridique inventer plus forte que celle qui protège l’eau et le
littoral, et conciliable avec la propriété privée du sol, bien marchandisable ?
Après
les valeurs, les actes pour les mettre en oeuvre. Pour cela, la puissance
publique a le devoir de s’inspirer
d’expériences tentées ailleurs. L’une d’elles s’impose par sa réussite,
Augsbourg en Allemagne. L’ensemble de la société y a accompagné la transition
vers un nouveau modèle économique. L’agriculture n’est plus la chasse gardée de
ceux qui en tirent seulement profit. C'est la ville qui a fixé la feuille de
route avec comme condition une baisse drastique du nitrate et du phosphore dans
l'eau de la rivière alimentant en eau potable les habitants. Sur la base du
volontariat, elle a intéressé les exploitants aux résultats obtenus en
valorisant les meilleurs, et en accordant des débouchés à leurs produits dans
toutes les cantines. Cette politique a porté ses fruits puisque le taux de
nitrate est passé de 44mg/l à moins de 6mg/l en une quinzaine d'années.
Pendant
ce temps, tous les gouvernements successifs en France tournaient le dos à ces
valeurs et à cet exemple. Ne faut-il pas y voir la main mise sur la politique
agricole du syndicat majoritaire plus au service de financiers et de
spéculateurs qu’à celui de ceux qu’il est censé défendre ? Et les échecs d’hier
annoncent ceux de demain. Par crainte d’ébranler le dogme productiviste, les
Plans Algues Vertes sont condamnés à creuser la dette publique pour des
résultats insignifiants.
En
conséquence de quoi, les associations et les citoyens réunis à Trémargat,
demandent à Monsieur le Ministre de l'Agriculture de respecter ces valeurs pour
lesquelles lui et le gouvernement auquel il appartient a été élu. Elles et ils
lui adressent leurs doléances et leurs propositions. Elles et ils attendent
qu’il y réponde pour que la Bretagne sorte d'un système agricole polluant qui
produit marées vertes et algues bleues toxiques.
Coordination
Verte et Bleue.