Le porc de l'angoisse, dans Sine Mensuel
Tout
est bon dans le cochon, mais une vie de cochon, c’est loin d’être bon.
Quelque 96% des 2 000 porcs tués chaque joue en France proviennent de
l’élevage industriel.
La vie d’un
cochon, on le sait – n’est-ce pas ? – n’y est pas rose. Dès sa
naissance, l’animal est traité comme un cadavre. On le castre à vif, lui
tranche la queue à vif, lui rabote les dents à vif. Entravé par la
promiscuité durant ses six mois d’existence, il ne connaîtra aucun
plaisir, pas même celui de se reproduire puisqu’on lui préfère un
pistolet inséminateur. La logique capitaliste d’exploitation illimitée
trouve une absurde autant que cruelle application dans l’état constant
de gestation où sont maintenues les truies. Dispensées de séances de
sophrologie, elles ne peuvent remuer une mamelle et assouvissent leur
instinct maternel d’élaborer un nid protecteur en se dévastant la
denture contre les barreaux de leur stalle. A ces violences
« obligatoires ?? » se confondent celles, superfétatoires, prodiguées
par le personnel, qu’ont toutes révélées les incursions menées par des
organisations de défense des bêtes, type Peta, et dont l’énumération
serait trop pénible.
Ces
fourmilières porcines n’implosent pas grâce aux 675 tonnes
d’antibiotiques déversées chaque année. Sans cela, aucun individu ne
résisterait aux émanations d’excréments, vomi, placenta, sans, seringues
brisées. car tout est bon dans le cochon – jusqu’aux os repensés en
croquettes pour chienchien à sa mémère – sauf la merde. En sus d’être un
mauvais engrais, qu’il faut valoriser avant épandage, – et bonjour les
algues vertes… -, le lisier est d’une toxicité à peine croyable. Azoté,
il contient de l’ammoniaque, des métaux lourds, sulfates, nitrates,
phosphore, cyanure, 250 substances au total sans compter les microbes
qui déjouent la vigilance antibio. La volatilisation de toutes ces
saloperies pourrait être réduite de 50% si ces animaux, qui disposent
aux dires des éthologues de l’intelligence d’un enfant de 3 ans,
croupissaient sur de la litière; mais cela est trop coûteux. leur
confinement s’effectue sur des sols ajourés (caillebotis) d’où le lisier coule jusqu’à
des fosses, puis des cuves où il mijotera quelques mois avant d’être
pulvérisé aux quatre vents. De là principalement montent les odeurs
atroces trahissant la pourriture interne de la filière porcine, qui a
bricolé un nombre faramineux de cache-misère inefficaces. Filtration de
l’air, alimentation parfumée, digesteur anaérobique, modification du PH
du lisier… car contrairement au fumier des bovins, aucune croute ne se
forme à sa surface, trop liquide.
Aux
effets nocifs de cette puanteur déjà recensés sur les populations
voisines de ce type d’élevage, tels que maux de tête, brûlures
pulmonaires, moral en berne – pour ne rien dire des souffrances des
travailleurs de ce secteur qui n’embauche pas que des sadiques
congénitaux -, une récente étude de la revue Environmental Health Perspectives
ajoute une élévation de la tension artérielle, occasionnée par
l’hydrogène sulfuré. un problème sanitaire préoccupant, hélas pas sur le
point de s’arranger. Puisque si leur nombre diminue, la taille des
élevages intensifs s’accroît.